Le lancement de la construction du futur porte-avions de nouvelle génération a été annoncé par Emmanuel Macron à l’occasion de son discours aux troupes stationnées aux Émirats arabes unis. Il prendra le relais du Charles de Gaulle à l’horizon 2038.
C’est un géant des mers qui commence à prendre forme. Le lancement de la construction du futur porte-avions de la marine française, estampillé « PA-NG » (porte-avions de nouvelle génération), a été annoncé ce dimanche par Emmanuel Macron, en visite auprès des militaires français stationnés aux Émirats arabes unis.
« La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine », a annoncé le chef de l’État à Abou Dhabi.
Le prix de ce programme sera précisé en février prochain, sans doute lorsque le président se rendra sur les chantiers de Saint-Nazaire, qui ont déjà commencé à travailler sur certains éléments du bâtiment.
Le lancement des études pour le remplacement de l’actuel Charles de Gaulle, qui va naviguer jusqu’à l’horizon 2038, avait été annoncé en décembre 2020, permettant de démarrer les travaux d’ingénierie et de conception. La première phase d’étude a démarré en 2021, la Direction générale de l’armement et le Commissariat à l’énergie atomique ont commandé en 2024 la production des « équipements à long délai d’approvisionnement », notamment les équipements destinés à la propulsion nucléaire.
Quel est l’enjeu stratégique du futur porte-avions annoncé par Emmanuel Macron?
Le plus gros navire de guerre en Europe
Comme son prédécesseur, le prochain porte-avions sera doté d’une propulsion nucléaire, qui permet à la fois une longue endurance en mer (pas besoin d’être ravitaillé en carburant), mais qui sert aussi à alimenter en énergie tous les équipements à bord, dont les catapultes – qui servent au décollage des avions de combat Rafale.
Cette petite centrale nucléaire flottante accueille un équipage d’environ 2.000 personnes, un « groupe aérien embarqué » composé de 40 aéronefs (Rafale, avions-radar E-2C Hawkeye, hélicoptères NH90), des installations de maintenance, des zones de vie, des systèmes de protection (systèmes antimissiles, mitrailleuses, canons)…
Si le PA-NG n’est encore pour l’instant qu’un projet, quelques informations sont d’ores et déjà disponibles concernant ses caractéristiques. Il sera plus long que le Charles de Gaulle, qui mesure 261,5 mètres de long pour 64,3 mètres de large, alors que les dimensions de son successeur seront de 310 mètres de long pour 85 mètres de large. Il sera également plus lourd, affichant un déplacement de 78.000 tonnes, contre 42.000 pour le Charles de Gaulle.
Avion de combat de future génération et drones
La grande évolution du prochain porte-avions, c’est qu’il intègrera des catapultes électromagnétiques, en lieu et place des actuelles catapultes à vapeur. L’avantage des EMALS (electromagnétique aircraft launch system) réside principalement dans un encombrement moindre et la possibilité de régler encore plus précisément la puissance de lancement des avions de combat, qui passent de 0 à 250 km/h en 75 mètres (la longueur du pont d’envol du Charles de Gaulle).
Le futur porte-avions embarquera des Rafale au standard F5, mais aussi l’avion de combat de future génération, actuellement en cours de développement par l’Allemagne, l’Espagne et la France. Les spécifications du NGF (« next generation fighter ») ont été prévues dès le départ pour pouvoir être déployé depuis un porte-avions, nécessitant, notamment une crosse d’appontage, pour se poser sur cette base aérienne volante.
Le PA-NG accueillera également des drones, dont l’usage opérationnel tend à se développer dans le cadre des opérations de la Marine nationale. Les « drones accompagnateurs » du NGF, mais aussi, pourquoi pas ceux du Rafale (un dérivé du programme nEUROn de Dassault Aviation), devraient également faire partie du futur inventaire du groupe aérien embarqué.
Un cercle restreint de pays dotés d’un porte-avions
En actant le renouvellement de cette composante de l’aéronavale, la France entend ainsi rester dans le cercle très restreint des nations qui disposent d’un porte-avions. Seuls deux pays disposent de porte-avions à propulsion nucléaire: les États-Unis (11) et la France. D’autres pays possèdent des porte-avions à propulsion classique: Chine (3), Inde et Russie (1). La Chine a cependant rejoint très récemment le duo franco-américain, en mettant en service, en novembre dernier, son premier porte-avions à propulsion nucléaire, le Fujian.
D’autres pays mettent en œuvre des navires capables de faire décoller des avions et des hélicoptères: Brésil, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Espagne, Corée du Sud, Turquie, Thaïlande.
La différence entre ces deux catégories réside dans la présence de catapultes pour les porte-avions, tandis que les porte-aéronefs sont équipés d’un tremplin, ou que les avions disposent de turbines supplémentaires, comme c’est le cas pour le F-35B de Lockheed Martin par exemple.
La question du deuxième porte-avions
Les débats sur la possibilité de doter la France d’un deuxième porte-avions reviennent à intervalles réguliers. Car le porte-avions est un outil de puissance militaire, politique, diplomatique et stratégique. Et lorsqu’il est en maintenance, la France ne dispose donc pas de cet outil.
Actuellement, l’objectif principal est d’assurer la relève du Charles de Gaulle. Selon la Loi de programmation militaire 2024-2030, des études de coûts seront menées pour proposer « une estimation des crédits nécessaires à la conception, à la réalisation, à l’activité et à l’entretien d’un second porte-avions de nouvelle génération ainsi qu’aux infrastructures et aux dépenses de personnel liées à son fonctionnement ». Selon le texte, la présentation de ces conclusions au Parlement doit avoir lieu en 2028.
À ce sujet, le chef d’état-major de la marine, l’amiral Nicolas Vaujour, déclarait récemment en audition parlementaire que cette question en soulevait bien d’autres:
« Au-delà de l’aspect budgétaire, la dimension industrielle est cruciale. À quel moment est-il plus opportun d’agir ? Est-il préférable de construire deux porte-avions similaires, donc deux porte-avions à propulsion nucléaire ? Ou vaut-il mieux, par la suite, opter pour des porte-avions différents, c’est-à-dire conventionnels ? Cette équation complexe, nous sommes en train de la poser méthodiquement pour répondre à cette question fondamentale. La décision n’est pas à prendre aujourd’hui. »
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